Un canal.Texte de Pascal de Gosselin.9

Publié le 9 Juillet 2014

nuit tombante, Etienne fit le plein de Gazole,  mais la bourse était fermée depuis longtemps.

Ils accostèrent donc sur la rive gauche, là où il y avait déjà sur deux rangées, une bonne dizaine de péniches. Ils commencèrent la troisième.

 

Suzanne en profita pour aller faire son marché.

  • Dis-moi Etienne, à ton âge tu dois boire du coca ou quelque chose comme ça ?
  • Je ne vois vraiment pas pourquoi il ne boirait pas d’eau comme tout le monde et un verre de vin avec le fromage !
  • Mon pauvre Maurice, on dirait que tu n’as jamais été jeune !

Sans rien ajouter, mais avec un clin d’œil pour Etienne, elle enjamba les bastingages des deux péniches qui la séparaient du quai.

Seuls entre hommes, Maurice raconta que derrière les maisons du quai il y avait une des curiosités de Saint-Mammès, les jardins bateliers. D'étroites ruelles pavées, presque invisibles, desservent une multitude de jardinets, parcelles utilisées à l'origine par les bateliers pendant les périodes de chômage ou d'étiage des canaux. Ces cultures permettaient de compléter leurs revenus, bien maigres à l’époque.

 

Au dîner, il avait une bouteille de coca devant lui. En temps normal, avant de se coucher, Etienne se serait promené à la nuit tombante dans ces petits jardins qu’il imaginait bucoliques et proprets.

Mais pour l’heure, il ne voulait pas quitter la péniche, il se sentait sous un charme qu’il ne voulait pas rompre, vivant d’autres émotions. Il préférait se gaver exclusivement de ces émotions de sa nouvelle vie de marinier.

 

Par contre, le matin suivant, il demanda à Bellestre s’il pouvait l’accompagner à la bourse d’affrètement (là il ne désertait pas la batellerie). Il n’y avait pas grand monde. Son patron lui expliqua qu’il y avait de moins en moins de péniches : le gros du trafic se faisait maintenant par des pousseurs appartenant à de grosses sociétés de transport qui ne pouvaient pas prendre les canaux au gabarit Freycinet, comme la Clotilde. Etienne sentit bien qu’il n’était pas bien gai et qu’il n’avait pas la moindre envie de finir en pilote de pousseur ! En ressortant, il illustra son propos, en lui montrant la rivière devant la bourse :

  • Les pousseurs ne peuvent pas passer là, sur le Loing, encore moins sur le canal qui prend après. C’est un peu notre chance à nous les indépendants.

Une chance pas très florissante à en juger par l’expression du visage de Bellestre.

 

Ils continuèrent à remonter la Seine jusqu’au confluent avec l’Yonne à Montereau. C’est sur l’Yonne, après le pont de chemin de fer que se trouvait la coopérative agricole. Ils y arrivèrent vers midi.

 

Mais il allait encore falloir attendre : une péniche était en cours de chargement le long du quai, sous le silo. Une autre, amarrée plus loin, attendait son tour. Décidemment, la principale qualité d’un batelier pourrait bien être la patience…

 

Etienne  se proposa d’aller faire un tour en salle des machines : la vieille, il était descendu et avait remis tout en ordre, jeté les chiffons sales, rangé les outils au tableau. En bon mécanicien, il avait prêté attention aux bruits du moteur : il lui avait semblé que la pompe à injection ne fonctionnait pas correctement, il y avait une sorte souffle qui pouvait signifier qu’une durite commençait à percer.

 

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Rédigé par Le blog sur Chatillon sur Indre

Publié dans #Ecrivain et romancier de Chatillon

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