Petit conte moral et citadin (suite)

Publié le 17 Juin 2016

 

Petit conte moral et citadin (suite)

 

Quelques années plus tard, un prince et sa petite suite suivait le fleuve dans l'espoir de trouver un gîte pour l'hiver qui venait. Il était parti guerroyer si loin et si longtemps qu'il ne connaissait plus personne et que son escarcelle était presque vide. Un soir il vit à l’horizon l'image d'un château et d'un donjon en ombre chinoise devant le soleil :

  • Voilà une forteresse certes un peu mal en point mais où nous allons pouvoir déposer nos couches et nos coffres.

    C'était Châtel-le-Val !

     

    Arrivé devant la maison communale, le bourgmestre sortit pour les accueillir :

  • Pouvons nous profiter de l'hospitalité de votre château, nous avons guerroyé et cherchons une demeure pour nous accueillir, demanda le prince ?

    Le bourgmestre acquiesça avec joie, pensant que ce riche noble allait peut-être restaurer le château et le donjon qui en avaient grand besoin.

    Ce dernier leur indiqua une auberge où dîner, mais les prix étaient si exorbitants qu'ils ne prirent qu'un repas pour deux.

     

    Encore affamée, la petit troupe regagna le château afin d'y passer la nuit. Il plut à verse jusqu’au matin et le prince et ses hommes ne purent fermer l'oeil, fuyant les ouvertures sans porte ni fenêtre, évitant le ruissellement de la toiture béante. Il voulurent faire un feu de broussailles dans la grande cheminée, mais elle était obstruée par des blocs de pierres et ils furent enfumés comme des jambons d'Auvergne.

  • Ce n'est pas ici que nous que nous pourrons passer l'hiver, murmura le prince.

     

    Le lendemain au petit matin le prince et sa suite quittèrent Châtel-le-Val pour toujours, en longeant le fleuve.

    Au soir ils aperçurent devant eux une autre ville et un autre château.

  • Nous verrons bien, dit le prince à la cantonade, plus prudent cette fois.

     

     

    Cette fois aussi le bourgmestre de la ville, c'était celui de Marcheventre, les accueillit devant la maison communale, le prince fit sa requête en précisant « pour la nuit seulement ».

  • Mon prince, vous et votre troupe êtes chez vous ici, dans notre château, pour le temps qui vous semblera bon. En attendant suivez-moi, l'aubergiste vous attend.

    Il mangèrent et burent à loisir tant et si bien que le prince se demandait si sa bourse y suffirait. Mais l'aubergiste ne voulut rien accepter, qu'un remerciement.

     

    Une mauvaise surprise les attendait au sortir de la taverne : leurs bagages et leurs chevaux avaient disparus.

    Désabusés une fois encore, ils montèrent au château en espérant que les lieux seraient plus accueillants que la veille.

    Passée la porte, ils eurent une autre surprise : leurs coffres et leur couches avaient été disposés dans une grande salle, au fond un feu de bon chêne crépitait dans la haute cheminée. Dans la pièce  voisine, il y avait une botte de foin devant chacun de leurs chevaux.  

     

    Reposé, dès le lendemain, le prince demanda à rencontrer le bourgmestre. Il lui raconta ses guerres, son dénuement certes momentané, enfin le besoin d'un gîte pour passer l'hiver, lui et ses compagnons.

  • Nous avons restauré notre château et notre donjon, répondit le premier des Marcheventrus, mais ils sont restés vides, sans vie et sans prince. Nous vous offrons à tous le gîte et le couvert en contrepartie de votre protection.

     

    Ainsi fut fait.

    A l'arrivée du printemps, bien des choses avaient changées au château de Marcheventre : chaque pièce était maintenant meublée, des tentures habillaient les murs, même le donjon possédait deux canons défensifs tournés vers la vallée.

    Certains des compagnons du prince avaient trouvé compagne en ville pendant que d'autres cultivaient les champs, jadis en jachère, autour du donjon.

    Il n'était plus question de partir.

     

    Petit à petit des hôtes de marque de plus en plus nombreux et nobles rendirent visite au prince. Leurs escortes hébergées en ville, participaient ainsi à l'essor de la cité.

    Un jour, le roi lui même et sa suite séjournèrent trois jours pleins à Marcheventre.

    Cette bourgade hier inconnue, devint d'un jour à l'autre une étape réputée, on dit même que certains pèlerins sur la route de St. Jacques de Compostelle, faisaient un détour pour admirer son château et profiter de son hospitalité qui était devenue légendaire.

     

     

    De nouveaux artisans s'installèrent, le marché du samedi attirait maintenant la foule des grands jours.

    La tradition du « Banquet de la Restauration » était plus vive que jamais : c'était l'occasion de réjouissances dans toute le ville et au pied du château. Le prince tenait chaque année à présider les festivités.

    Il faisait bon vivre à Marcheventre.

     

    Mais que devenait donc Châtel-le-Val ?

    Rien, rien du tout. La ville qui avait été prospère mourait doucement dans l’indifférence générale de ses habitants. A l'image du château, la ruine, comme une lèpre, gagnait les maison, les échoppes, l'autrefois célèbre marché aux bestiaux.

    Toutefois, certains Chatelvalliens regardaient avec envie du côté de Marcheventre, mais il était trop tard. On ne refait pas le monde avec un simple regard.

 

 

Pascal De Gosselin

 

Remerciements à Monsieur Pascal de Gosselin pour ce petit conte

Rédigé par Le blog sur Chatillon sur Indre

Publié dans #Contes Berrichon

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