L'épisode Vendéen de Chatillon sur Indre et de Palluau.1.

Publié le 25 Mai 2012

Le rôle de départ de Chatillon sur Indre

 

 

Pour conter cette histoire de la Vendée de Palluau, nous disposons de deux sources. La première, très classique, est celle des archives départementales du département de l’Indre, avec les minutes du procès qui suivit la bataille de Buzançais. La seconde, plus romancée, mais peut-être aussi proche de la vérité, est le livre qu’a publié en 1858 sur ces évènements, Just Veillat :  « La Vendée de Palluau, souvenir de l’an IV en Berri », écrit d’après le récit que lui fit en 1848, dans la diligence qui les emmenaient de Châteauroux à Tours, un honnête commerçant de Clermont-Ferrand, qui s’était trouver bien involontairement à l’époque des faits, au centre de cette histoire.

 

Notre commerçant  n’était en ce printemps de 1796, qu’un simple colporteur qui deux fois l’an, quittait Clermont-Ferrand pour Tours en passant par Châteauroux. C’est en revenant de Tours, sur la route entre Loches et Châtillon-sur-Indre, qu’il se trouva à faire la route avec deux jeunes soldats qui revenaient de Nantes en permission; (en fait ils étaient déserteurs) l’un, Jean Bonami, fils de Louis Bonami, garde Champêtre de Clion et un certain Léonard, qui tout pressé revenait voir sa belle à Palluau. Ils étaient du même âge et au bout d’une lieue de route ensembles, ils étaient devenus amis.

 

Après avoir passé la nuit dans une auberge à Châtillon, les trois compères arrivent à Clion chez les parents de Jean Bonami qui était garde champêtre et dont la femme tenait  une auberge au village du Pont-de-Pierre, sorte de faubourg  à l’entrée du bourg de Clion. Curieusement, toutes les maisons étaient fermées. Seule une vieille femme qu’ils rencontrent dans la rue leur apprend « que tout le monde est parti à une messe clandestine, car c’est aujourd’hui dimanche ». Est-ce qu’il y a encore des dimanches lui dit le fils Bonami, en l’an IV de la République, avec les décades et les décadis ?

 

Cette arrivée à Clion que nous décrit le colporteur se passe début mars, et l’on voit que les messes clandestines se déroulent alors en plein jour. Aux appels des municipalités qui s’inquiètent de voir se développer l’agitation, l’administration  a toujours répondu jusqu’à présent qu’elle ne disposait d’aucun moyen supplémentaire à envoyer. Ce n’est vraiment qu’au début mars qu’elle commence à réagir. D’une part, elle regroupe ses forces de gendarmerie à Châtillon et demande instamment à Tours de lui envoyer des renforts. De plus elle envoie le général Desenfants, prendre la direction des opérations à Buzançais . Malheureusement, il est déjà trop tard. Les esprits se sont échauffés. Bien des gens comme « Crève Bouchure », le père de Jean Bonami, qui aux agitateurs royalistes venus l’enrôler quelques jours plus tôt déclarait : « On voudrait bien mieux, mais on craint plus mal… », finirent par se joindre à l’insurrection.

 

C’est en effet semble t-il au tout début du mois de janvier 1796, que les premiers, les administrateurs municipaux du canton de Chatillon-sur-Indre, alertèrent l’administration départementale sur l’agitation qui se développait dans la région et commençait à les inquiéter. Dans une note du 13 nivôse de l’an IV (3 janvier 1796), ils signalent « des rassemblements nocturnes, dont le but est d’entendre des messes par des prêtres qui leurs sont inconnus ».

 

 Le 16 nivôse  (6 janvier 1796), l’administration municipale  de Mézières-en-Brenne, « attire également l’attention des citoyens administrateurs du département de l’Indre, sur le fait qu’il existe sur la commune de Paulnay, la plus grande « fermentation », qu’il se dit des messes clandestines, par des prêtres coureurs, notamment à la Marchandière, chez le citoyen Sorbiers**, ex-noble, contre lequel il y a présomption qu’il s’attache à propager des principes contraire au bon ordre ; que dans ces divers rassemblements, se rendraient des citoyens armés ; que quelques-uns d’eux y répandraient des propos les plus séditieux et les plus contre-révolutionnaires, en s’expliquant qu’ils n’attendaient que l’occasion pour faire de ce pays une nouvelle « Vendée ».

 

Le 11 ventôse de l’an IV (1er mars 1796), c’est au tour de l’administration de Levroux de «  s’alarmer des bruits qui circulent depuis quelques jours et s’accréditent de plus en plus dans nos environs. Une fermentation sourde et machinée par des hommes coupables est sur le point d’éclater et de former au milieu de nous, une nouvelle Vendée ».

  

Que se passe-t-il donc en Berry, dans cette région qui va de Mézières-en-Brenne à Écueillé, en passant au centre par Palluau en ce début de printemps de 1796. En fait, la  guerre de Vendée est sur le point de se terminer, et quelques agitateurs, plus ou moins mandatés par les chefs royalistes tentent  de prolonger l’insurrection dans les régions qui jusqu’alors n’avaient connus aucun désordre. Ce fut le cas en particulier en Berry, d’une part dans la région de Sancerre et surtout dans le département de l’Indre dans la région de Palluau.

 

Contrairement à la Bretagne et à la Vendée, le clergé du Berry avait accepté dans sa grande majorité, la constitution civile du clergé. Seuls quelques prêtres réfractaires s’étaient cachés dans les campagnes. Dans la région, deux prêtres, les abbés Floret et Héraudet, avaient trouvé un asile contre la déportation à Palluau  et s’y étaient  créer une grande influence. On signale aussi dans la région, le curé Estevannes, prêtre insermenté de la commune de St Martin près de Loches, l’abbé Giraudon, ancien chanoine de l’église Saint-Ursin à Bourges. Le plus actif est le curé Rachepelle, ex-desservant de Rivarennes dans l'Indre, réfugié dans les environs de la Marchandière. Le jour, habillé en bûcheur, il allait au bois avec les paysans. La nuit, il courait les domaines pour célébrer des messes clandestines.

Mais, le plus influent est sans nul doute l’abbé Floret déjà cité, prêtre d’origine auvergnate, à la fois très éloquent et persuasif, « le plus astucieux et le plus dangereux » dira l’administration. « Le curé Floret, par l’emprise qu’il avait su se créer depuis trois ans dans le canton, passait aux yeux des villageois, comme un homme considérable, et lorsque les malheurs publics firent tourner les regards vers le passé, nul mieux que lui ne sut les persuader qu’après avoir aboli le trône, les législateurs voulaient anéantir la religion. Bientôt, il leur fit entrevoir un avenir meilleur, leur raconta les efforts de l’héroïque Vendée, et, en peu de temps, leur communiqua son zèle et ses espérances, ses illusions sincères ou intéressées. »

 

Depuis quelques temps également, on constate aussi que les fenêtres des châteaux s’ouvrent de nouveau. A l’évidence, quelques nobles de la région qui s’étaient cachés pour éviter l’exil, commencent à reparaître et comme le pouvoir central semble  ne pas vouloir réagir, quelques-uns s’enhardissent et poussent les habitants plus ou moins ouvertement à la révolte. Les bruits les plus fous commencent à circuler dans les campagnes. On signale la présence à la Marchandière, d’un certain général Fauconnet. Dans les premiers jours de mars, arrive également un cavalier, grand et bel homme, botté et éperonné, avec un superbe manteau rouge et des pistolets dans ces fontes. L’on va jusqu’à faire courir le bruit qu’il s’agit du comte d’Artois, frère de Louis XVIII.  En fait, ce personnage étranger également hôte de la Marchandière sous le pseudonyme de Barrault est en réalité comte de Boisdais, émigré de Touraine, passé dans le département de l’Indre pour y propager l’agitation. Parmi les agitateurs, se trouvent également des soldats déserteurs, qui disent qu’ils étaient d’accord d’aller sur le Rhin défendre les frontières de la France, mais qu’ils n’ont pu accepter ce qu’on veut leur faire en Vendée.

 

Au début, l’on parle beaucoup sans se prendre trop au sérieux, mais peu à peu, l’insurrection s’organise. Lors d’une messe clandestine à la Marchandière au début mars, le curé Floret, « après avoir longuement tracé le tableau des souffrances et des devoirs du chrétien militant, devient plus explicite et annonce, en terme précis, que l’heure de l’action était arrivée ; que l’on avait plus qu’à se distribuer les rôles, et à écouter le mot d’ordre des chefs. A ces chefs ajouta t’il en terminant, d’une voix éclatante, à ces chefs appartenait le danger et l’honneur de montrer le chemin, sous la bannière de la Royauté et de la Religion. A ces mots, et comme dernière image de sa péroraison, il déploya tout d’un coup un drapeau blanc, jusque-là caché sous l’autel improvisé, et dont il fit flotter au-dessus de sa tête, les plis ornés de l’écusson « fleurdelisé ». Notre colporteur qui en fut le témoin, ne  put  dire à ses compagnons de voyage son émotion et l’immense effet que fit  cette apparition, pour la première fois dans une messe clandestine. Ce fut dit-il une explosion frénétique de battements de mains, de trépignements en l’honneur du Roi et de la religion

 

Dans la nuit du 18 au 19 ventôse an IV, un rassemblement assez considérable de gens armés (environ 150 hommes, dira l’acte d’accusation) se portèrent sur Clion, près de la maison du citoyen Franquelin-Dubreuil, «sous la conduite d’un homme à cheval , orné d’un chapeau à panache » (le comte de Boidais dira l’acte d’accusation)…L’air retentissait des cris de Vive le Roi, vive la religion ; à bas les bleus, à bas la République ». Après avoir essayé de parlementer, l’honnête administrateur eut le temps d’escalader le mur de son jardin et de prendre la route de Châtillon pour se réfugier à la gendarmerie. 

 

Après ce  premier coup de main, des groupes parcourent la campagne à plusieurs lieues autour de Palluau, enrôlant de façon plus ou moins volontaire tous les hommes capables de porter les armes. Les groupes avaient ordre aussi de rechercher armes et de munitions, de réquisitionner les chevaux. Chaque paroisse devait apporter sa contribution. C’est ce jour-là qu’un groupe de cavaliers conduit par un certain Audoin, subtilisa leurs chevaux à cinq gendarmes de Pellevoisin, qui s’étaient arrêter se rafraîchir dans une auberge. De retour au quartier général de l’insurrection, ce fut l’excitation générale ; L’un proposait de marcher sans désemparer sur Buzançais, afin de couper toute communication avec la tête du département, tel autre voulait s’assurer de Châtillon. Le général Fauconnet tempéra tout le monde. Les rapports qu’il avait reçus lui apprenaient que l’administration centrale avait commencé à réagir, qu’elle réclamait à cor et à cri, quatre compagnies d’infanterie au général commandant la place de Tours et que comme on le disait depuis quelques jours, le général Desenfants venait d’arriver à Buzançais, pour renforcer le capitaine Vezien et diriger lui-même les opérations. Certes, tout cela dit-il est la preuve du désarroi de l’administration et du gouvernement,  mais pour le moment, il est préférable pour nous  de s’assurer d’Écueillé et de Châtillon et il proposa d’y envoyer des éclaireurs pour s’assurer du soutien de la population.

  

 

C’est le 22 ventôse an IV de la République (12 mars 1796), que l’action  commencera réellement. Elle dura quatre jours. A l’illusion et l’enivrement collectif, suivra tout à coup les regrets, la crainte et la douleur. Ce samedi donc, lorsque notre colporteur arrive au quartier général à la Joubardière, accompagné de Crève-Bouchure (Bonami le garde-shampêtre car Jean Bonami et son ami Léonard sont en prison à Châtillon, ayant été arrêtés par les gendarmes comme déserteurs), l’agitation est à son comble. Toute la nuit, on a fourbi les armes et fondu des balles avec le plomb détaché du toit du château de Palluau. C’est alors qu’un bûcheur de Préaux, au grand trot d’un cheval de labour, crie aux armes en annonçant que vingt gendarmes enlevaient plusieurs habitants avec le curé de la paroisse et  qu’ils les conduisaient à Châtillon. Une demi-heure après, le tocsin sonnait à Palluau et une colonne d’une trentaine de cavaliers suivie d’hommes à pied, aux ordres du général Fauconnet, s’élançait vers Châtillon pour couper la route aux gendarmes.

 

 

Mais il était trop tard, et le groupe furieux allait faire demi-tour lorsqu’il apprit que le lieutenant Robert, avec quelques gendarmes s’était arrêté chez le citoyen Pocquet au village des Fourneaux. Se voyant encerclé, le lieutenant Robert fit face courageusement lorsqu’un jeune homme de la bande s’avança vers lui. L’altercation  se transforma bientôt en corps à corps, qui amena l’explosion volontaire ou involontaire du pistolet de  l’officier. Le jeune homme, la main ensanglantée s’éloigna en criant au secours ! C’est alors que plusieurs coups de feu se croisèrent  et lorsque je rouvris les yeux raconta le colporteur, je vis le lieutenant et un autre gendarme couchés sur le carreau. La rentrée à Palluau fut triomphale et les curés Floret, Héraudet et Giraudon, ouvrirent l’église et entonnèrent un Te Deum.

  

Depuis l’entrée en campagne, le tableau s’était assombri. Aux Fourneaux, le sang avait coulé mais les gendarmes n’avaient été que blessés. Mais voilà que l’on apprend à Palluau qu’un jeune homme nommé Sournain, qui refusait de répondre aux cris de Vive le Roi, vient d’être tué. On rapporte bientôt qu’un mendiant caché dans un buisson près de l’Indre vient d’être jeté à l’eau , car on l’a pris pour un espion des républicains. « C’est alors qu’un bon nombre de personnes que la curiosité  seule avaient entraînées, rentrèrent chez elles, bien décidées à éviter désormais les émotions de la rue. »

  

Le lendemain, 23 ventôse, les chefs parurent plus déterminés que jamais. Une colonne dont faisait partie notre colporteur se mit en route vers Écueillé, et y fit une entrée triomphale après quelques coups de fusil et trois agents républicains restés sur le carreau. En chemin, le groupe n’oublia pas de secouer les plus tièdes et de chercher des armes. « Courbés sur les plans et les paperasses, les chefs concertaient la suite de leurs opérations, écoutaient les rapports des éclaireurs, dépêchaient émissaires sur émissaires aux agents des communes, aux gentilshommes retardataires, pour les sommer de rejoindre à Palluau les braves royalistes triomphants à Écueillé ». Inutile de décrire l’enthousiasme du retour sur Palluau et la folle ivresse d’une foule livrée à elle-même et qui jusque-là semblait croire que la France se disposait à secouer définitivement, le joug de la République.

 

 

** un complément d'information est en préparation

 

Source:Texte de Jean Faucheux

Avec son aimable autorisation

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Rédigé par Le blog sur Chatillon sur Indre

Publié dans #Histoire

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