Un canal.Nouvelle.Texte de Pascal de Gossellin.1

Publié le 9 Juillet 2014

UN CANAL

 

 

 

 

C’était un beau mois de novembre comme il n’y en a qu’à Paris, avec un soleil qui fait croire que l’air est pur, si pur que quand on le respire sous les marronniers des quais de Seine, trébuchant un peu sur les bogues qui n’ont pas encore été balayées, on se croit sur un sentier, à la campagne.

Il y a des gens qui malgré le froid décident de prendre leur café en terrasse, en fuyant même les radiants cachés sous les grands stores.

Un bel automne qui donne envie de se promener, sans but et de regarder tout autour de soi, buvant le spectacle des passants, des voitures, des façades blanches d’avoir été ravalées. Tout parait propre.

 

Etienne Leroux, Tinny pour ses copains, avait dix-neuf ans. Il était plutôt petit, blond avec une mèche toute raide qui lui tombait sur l’œil droit. L’expression du visage semblait volontairement « inexpressive » car derrière la mèche l’œil brillait, vif et moqueur. Il portait l’uniforme des gens de son âge : polo avec un logo incompréhensible, jean délavé avec accrocs, par-dessus, une veste de daim synthétique sali aux frottements. Aux pieds des basquets traînants, anciennement blancs, et dont on avait jeté les lacets dans la première poubelle venue. Le tableau sera complet quand on ajoutera les mains enfoncées dans les poches, comme pour faire glisser le pantalon au sol.

Tinny cherchait du travail, mais, ni sa tenue, ni sa dégaine, ne facilitaient les choses ! Pourtant il était courageux, même si cela ne se voyait pas.

 

Il marchait sur le trottoir de la rue de Bercy sans se rendre compte de cet automne qui l’entourait. Il allait de son pas glissant jusqu’à l’agence de l’ANPE. Il se planta devant un panneau apparemment réservé aux emplois sans qualification, trop souvent des emplois de quelques jours, d’une semaine au mieux.

Au milieu de toutes les petites affichettes, il y avait une demande pour un emploi apparemment permanent, un emploi sur une péniche. Il trouva ça amusant et prit les références de la fiche.

Le conseiller lui confirma que cet emploi n’était pas temporaire, mais il ne fallait pas qu’il ait d’attache, car la péniche faisait toute l’Europe. Il ne fallait pas non plus compter son temps : le candidat devait aider en toute chose le marinier qui était seul à bord avec sa femme. Enfin, côté salaire, rien que le minimum.

Etienne demanda comment avoir un rendez-vous. Le conseiller lui donna un numéro de téléphone portable, en ajoutant :

  • Vous savez, ici ils ont déposé l’annonce il y a une semaine, mais les péniches ça va, ça vient et on ne sait jamais où elles sont. Peut-être ont-ils mis leur annonce à Rouen, à Conflans ou Dieu sait où. Et puis dans les vallées, le téléphone ne passe pas toujours, alors, ne vos faites pas trop d’illusions.

Depuis déjà deux ans, il ne s’en faisait plus, d’illusions : avec un BEP de mécanicien auto, il avait commencé par rechercher un travail dans sa branche,

 

Tous droits réservés. Reproduction interdite sur tous supports actuels ou futurs sans l'accord de l'auteur.

Rédigé par Le blog sur Chatillon sur Indre

Publié dans #Ecrivain et romancier de Chatillon

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
M
C'est super bien écrit!
Répondre
J
Merci de votre gentil commentaire qui fera sans nul doute très plaisir a l'auteur.Un nom autre que "mon dernier livre" eut été encore plus gentil.:-)