Un canal.Texte de Pascal de Gossellin.17

Publié le 9 Juillet 2014

Les trois mariniers se tenaient sur une même ligne, adossés à la  cabine de pilotage, les pieds sur le premier panneau d’écoutille.

Quant le nez du bateau sortit de l’ombre il blanchit progressivement comme sous le coup d’un pinceau invisible, se confondant ainsi avec la lumière immaculée qui devenait omniprésente.

Bientôt toute la péniche devint aussi blanche qu’un paquebot de croisière méditerranéen. Seuls les hommes et leurs vêtements gardèrent leur couleur qui pâlit un peu malgré tout.

 

Les voilà maintenant sortis du tunnel infini, sortis et surpris de se retrouver au milieu d’un grand fleuve avec courant et tourbillons. Pourtant leur péniche n’avançait toujours qu’avec une lenteur excessive, se jouant ainsi des mouvements de l’eau.

Ils pouvaient distinguer des quais de part et d’autre, mais au-delà il semblait ne pas y avoir de ville, ni même de maison.

 

Le bateau lui avait apparemment choisi son quai car il se dirigeait maintenant vers un ponton de bois noir. Il décida curieusement de l’aborder par l’aval, ce qui obligerait l’équipage à l’arrimer solidement.

 

Mais ce monde ignorait les lois de la physique et de la navigation ! la péniche vint ranger là où elle voulait et, contre toute attente, s’immobilisa sans l’aide de personne.

 

Cela faisait trop longtemps qu’ils n’étaient pas descendus à terre et Etienne suivi des Ballestre sauta sur le ponton et gagna le quai. C’était un quai ordinaire, avec pavés et moellons. Ballestre s’étonna toutefois :

  • Vous avez vu ? Il n’y a ni bitte ni bollard. En dehors du ponton aucune péniche ne peut accoster.

 

A ce moment, derrière eux, ils entendirent une longue série de craquements. Ils se retournèrent : leur péniche toute blanche partait à la dérive en suivant cette fois le courant, le ponton lui avait disparu : il ne restait le long du quai que quelques éclats de bois noir qui flottaient encore. Ils ne pourraient plus jamais quitter ce quai, d’ailleurs par le fleuve, personne ne pourrait jamais les rejoindre. Ils n’étaient plus que trois anciens mariniers perdus et solitaires !

 

Que faire sinon s’enfoncer dans le pays, tenter de trouver une maison, une ville peut-être ?

Ils marchaient depuis plusieurs minutes dans l’univers blanc qui les entourait. Le fleuve avait disparu derrière eux mais en face aucune forme, aucune ombre ne se dessinait.

 

Etienne avec des yeux plus jeune bondit :

  • Là, devant, regardez, il y a quelque chose de plus sombre, regardez, j’en suis sûr !

Les Bellestre virent finalement eux aussi. On ne savait pas encore ce que s’était, mais il y avait quelque chose de tangible.

 

Plus ils avançaient, plus cela ressemblait à une maison, une haute maison de ville, une maison de rue sans la rue puisqu’elle était toute seule. Au rez-de-chaussée ils devinaient une partie plus foncée. C’était une sorte de magasin avec une vitrine.

 

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Rédigé par Le blog sur Chatillon sur Indre

Publié dans #Ecrivain et romancier de Chatillon

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