Un canal.Texte de Pascal de Gosselin.6

Publié le 9 Juillet 2014

Un homme qu’il n’avait pas vu l’accosta :

  • Elle est belle, non ?

Puis :

  • Vous êtes Etienne Leroux ?
  • Et vous le patron de la Clotilde ?

Il avait appris au café à parler presque comme les mariniers.

  • Oui c’est moi, Maurice Bellestre. Tu es prêt à quitter tes copains et ta vie à terre ?

Les patrons ne demandent jamais ça d’habitude : pour un travail normal on n’est pas obligé de tout quitter. Ici c’est par ça qu’on commençait !

C’est après seulement qu’il lui demanda ce qu’il savait faire.

Il parla de son BEP.

  • Tu sais, sur une péniche y’a pas que la mécanique.

Etienne sourit intérieurement en repensant à ce qu’on disait à l’Avalant.

  • Tu veux visiter ?

Ils firent le tour du bateau, le patron souleva un panneau d’écoutille pour lui montrer la cale vide :

  • On doit aller charger du blé à Montereau et le décharger à Dijon. Ils ne font pas de céréales dans ce coin là, et ils ont besoin du blé de Brie et de Beauce.

Il montra les deux ancres géantes

  • Je t’apprendrais à jeter bas et à les remonter avec le barbotin.

Pour Étienne  c’était encore un langage différent de celui du café.

Dans la salle des machines, il découvrit un beau gros diesel comme il les aimait. Autant le bateau brillait à l’image d’un sou neuf à l’extérieur et dans la cale, autant ici saleté et désordre régnaient en maîtres : il y avait des chiffons et des outils couverts de graisse partout. Maurice Bellestre n’était pas mécanicien, ça se voyait : les autres mariniers avaient raison.

Ils rentrèrent dans la timonerie, en lui montrant la roue du gouvernail :

  • Quand tu t’y connaîtras mieux, je te laisserai le macaron.

Descendus dans le carré, ils s’assirent autour de la petite table.

  • Suzanne est partie faire le marché. Tu veux boire quelque chose ?

Un coca, ça ne ferait peut-être pas bon genre, et puis pas d’alcool, le message était clair :

  • Un jus de fruit si vous avez.

Eh bien tu as toutes les qualités. Ce n’est pas toi qui passerais tes journées à l’Avalant comme la moitié des mariniers quand ils sont ici !

  • Le salaire, ils t’ont dit à l’ANPE ? Je ne peux pas faire mieux. Maintenant il faut me dire si on fait affaire ou non.

Etienne dit que oui.

Après le jus d’orange, tout naturellement, le patron lui montra une petite cabine à l’avant du bateau.

  • Tu es chez toi. J’ai vu que tu avais ton sac, mais si tu as quelqu’un à voir, on ne part que dans deux heures : il faut que j’aille au port maritime pour des papiers.

 

Pendant que son patron traversait le pont de Bercy pour se rendre en face, quai d’Austerlitz, Etienne fit une petite visite à l’Avalant pour dire au revoir. La patronne l’embrassa et son mari lui donna une grosse claque entre les deux  épaules.

 

Tous droits réservés. Reproduction interdite sur tous supports actuels ou futurs sans l'accord de l'auteur.

Rédigé par Le blog sur Chatillon sur Indre

Publié dans #Ecrivain et romancier de Chatillon

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article