Un canal.Texte de Pascal de Gossellin.13

Publié le 9 Juillet 2014

Etienne sentit qu’une certaine inquiétude gagnait le couple de mariniers.

On dirait qu’on s’est trompé de canal, qu’on est sur un canal désaffecté. Mais à Migennes, pas moyen de se tromper : ou on continue sur

 

  • l’Yonne, ou on prend à gauche le canal de Bourgogne. Il n’y a pas d’autre canal dans le coin…

Bien que sûr de lui, Bellestre sortit ses cartes, puis les replia sans rien dire. Cette fois l’inquiétude était bien là, avec un peu d’angoisse déjà.

 

Ne voulant pas croire ce qu’il voyait, le patron dit qu’on continuerait.

 

On continua en effet, on continua à naviguer dans le brouillard qui cachait le paysage, on continua à passer des écluses qui n’existaient pas.

On continua sans jamais rencontrer la moindre péniche.

Le soir on accosta en s’arrimant à des arbres morts entraperçus sur la berge.

Heureusement que Suzanne avait fait des provisions à Saint-Mammès, parce qu’il n’avaient vu aucune route, aucun pont qui auraient pu mener à un village. Pendant le dîner, ils allumèrent la télévision mais ne purent rien capter. Ils ne purent rien manger non plus tant les gorges étaient nouées.

 

Le jour suivant fut semblable au jour d’avant. Bellestre était de plus en plus sombre, Suzanne, de plus en plus apeurée, Etienne, regrettait de plus en plus sa vie parisienne. Personne ne comprenait ce qui leur arrivait ni ce qu’ils faisaient là.

Le patron sortit de son mutisme :

  • Il faut retourner, redescendre le canal : regardez tous les deux si vous voyez une partie plus large, un port ou un quai de chargement.

Ils regardèrent, mais ne virent qu’un canal étroit aux berges bien parallèles devant un mur de brouillard, entrecoupé d’écluses endormies qu’ils s’efforçaient de réveiller. Rien qui ne permettait à la péniche de faire demi-tour, même de tenter la manœuvre.

Le soir, épuisés dans leur corps et dans leur tête, ils se couchèrent cette sans même se mettre à table. Etienne avait demandé à dormir sur une couverture dans la timonerie : il avait peur tout seul dans sa petite cabine de proue.

 

Au lever du jour ils se trouvaient encore devant une porte d’écluse fermée. Mais derrière, le ciel paraissait plus clair. Etienne de la berge leur cria :

  • Ce n’est qu’une porte de garde, cette fois, après il y a un grand étang tout plat.

 

La joie revint sur les visages : on allait pouvoir faire demi-tour, enfin !

La porte était encore plus rouillée que les autres, mais après une heure d’effort la péniche put la franchir. De l’autre côté,  le brouillard flottait, plus léger. On ne voyait toujours pas les rives, mais on avait une bonne vision de l’eau. Bellestre mena sa péniche assez loin pour éviter de toucher en virant de bord. Après la manœuvre, le bateau se retrouva face à la porte de garde qu’ils avaient laissé ouverte. Quand ils s’approchèrent, le brouillard se déchira : elle s’était refermée.

Leur joie s’effaça un peu mais Bellestre et Etienne prirent l’annexe et accostèrent le long de l’estacade de guidage, le mur de biais devant la porte. Ils commencèrent à manier les manivelles, mais la porte ne bougeait pas. C’est alors qu’ils s’aperçurent que les portes de bois étaient maintenant doublées à l’intérieur par un mur de pierres semblable à celui des bajoyers.

De retour sur la péniche ils dirent que la porte ne s’ouvrait plus.

 

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Rédigé par Le blog sur Chatillon sur Indre

Publié dans #Ecrivain et romancier de Chatillon

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